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Dominique Rondu, avocat pénaliste : la force et l’élégance

Passionné de sciences criminelles, Dominique Rondu choisit d’être avocat pénaliste. Près de quarante sept ans après son inscription au barreau de Metz et au soir d’une carrière émaillée de retentissantes affaires, il a repris la plume. D’abord pour raconter ses procès d’assises les plus marquants, ensuite pour devenir romancier. Retour sur un parcours au service des hommes et du droit, qui s’inscrit dans la force et l’élégance

S’il est une affaire criminelle qui a marqué l’existence de Dominique Rondu, c’est bien celle du Montigny-lès-Metz. Voilà trente quatre ans qu’elle émaille sa vie professionnelle et que tout n’y est pas encore dit. Que de rebonds depuis la condamnation de Patrick Dils pour l’assassinat des deux garçons voisins de ses parents rue Vénizélos, sur le désormais célèbre talus du chemin de fer ! Le jeune juriste devenu avocat qui avait toujours eu envie d’être pénaliste a été servi au-delà de toute attente…

Le papa Rondu est secrétaire de mairie à Moulins-lès-Metz et également correspondant local du Républicain Lorrain dans les années soixante, lorsque son fils Dominique choisit de rejoindre la faculté de droit de Nancy. Très vite il se passionne pour les sciences criminelles et ne manque pas de profiter des sessions d’assises à Nancy pour approcher et décrypter les mécanisme de ces procès qui en révèlent beaucoup sur les tréfonds de l’âme humaine, mais aussi à propos de la machine judiciaire. L’étudiant en fait ses choux gras et passe un temps par l’Institut d’études criminelles. Pour parfaire sa connaissance de la justice, il accomplit un stage au Palais de Justice de Metz au cabinet du Procureur de l’époque. Ce dernier tente de le convaincre de rejoindre l’école de la magistrature, mais l’esprit libre de Dominique, le pousse plutôt de l’autre côté de la barre. Il sera avocat. Il prête serment en 1973 et effectue son stage à l’étude de M. et Mme. Kédinger tous deux avocats. Le mari est engagé politiquement et son épouse qui dirige l’étude confie peu à peu à son jeune collaborateur les affaires pénales. C’est ainsi qu’en 1976, le bâtonnier convoque le tout jeune praticien du droit pour lui demander de prendre une affaires qui a effrayé toute la ville de Metz : celle des clochards tortionnaires. Une plongée dans un monde parallèle, sauvage où l’alcool sert de juge de paix, mais libère aussi de folles pulsions. Le jeune avocat relève le défi. Sitôt son acceptation, il s’interroge à propos de sa capacité à en sortir par le haut. À l’époque, la peine de mort peut être requise contre le prévenu et en tant qu’avocat commis d’office, il y a de quoi être perturbé. Fort heureusement, le conseil s’en sort bien et l’affaire se termine sur une réclusion à perpétuité de l’accusé. Mais pour une entrée en matière cela en fut une !

L’INCROYABLE DOUBLE CRIME DE MONTIGNY-LÈS-METZ

Sa renommée est ainsi faite et son côté pugnace, pas effrayé de devoir le disputer au juge d’instruction alors tout puissant, font briller son étoile au sein du barreau messin. Désormais Me Rondu est à la fois connu et reconnu ce qui lui vaut en 1986 d’être l’avocat de la famille Beckrich en 1986 lors de la terrible affaire de Montignylès-Metz. Passé l’horreur des faits, maître Rondu ne le sait pas encore, ce sont des décennies de procédures et de rebondissements qui vont s’enchainer et ponctuer sa carrière.

Entre temps, d’autres procès étonnants comme l’affaire du vrai faux rabbin, mais véritable escroc, celle de la mère ensanglantée et du fils assassiné ou bien encore du hold up en 2 cv où le défenseur sera en mesure de donner sa pleine valeur et sa connaissance des subtilités de la procédure. Toutefois, sans cesse revient sur son bureau de façon entêtante, cette affaire du meurtre des deux garçons sur le talus du chemin de fer de Montigny-lès-Metz. Patrick Dils, le voisin autrefois condamné, obtient dans un contexte de révision de la législation ouvrant droit à l’appel en matière criminelle, que son cas soit réexaminé. Il finit par en sortir blanchi, mais du côté des familles dont Me Rondu est l’un des défenseurs, il faut revivre le drame plus de vingt ans après les faits. Au procès de Reims qui rejuge Dils, mais où l’événement c’est Francis Heaulme, venu comme témoin. Dils condamné en tant que mineur la première fois est au soir de cette instance d’appel à nouveau condamné. Il faudra attendre le procès de Lyon pour que Patrick Dils soit acquitté, puis survient la mise en accusation de Francis Heaulme à propos duquel rien ne sera prouvé de son éventuelle culpabilité. Dominique Rondu publie en septembre 2020, chez Mettis éditions, un ouvrage : La Cour, veuillez vous lever, qui retrace les plus significatifs des 150 procès d’assises au cours desquels il a plaidé.

Les règlements de comptes à Woippy Saint-Eloi, l’assassinat d’un directeur d’école, le hold-up par amour dans un sex shop, ainsi défile l’ordinaire et l’extraordinaire de la Cour d’assise, théâtre des drames humains de la société. Aujourd’hui Dominique Rondu est en retrait et son fils Olivier a pris la relève à la tête du cabinet. Car lui aussi est tombé tout petit dans la matière criminelle. Lycéen, il avait pu assister au procès en révision de Reims, ainsi qu’à son incroyable aboutissement. De retour sur les bancs de son établissement, il a été chargé de restituer son vécu à la classe. L’expérience, puis sa prise de parole ont tracé sa voie : il est lui même désormais pénaliste après ses études à Metz et Nancy.

Dominique qui adore la lecture et
l’écriture met la dernière main à un
roman. Son manuscrit porte le titre de
L’assassinat du procureur.

Nul doute que cette aventure romancée, s’inspire de plus de quatre décennies, à fréquenter les couloirs et les salles des palais de justice. La robe s’est lustrée à la rencontre des barres et des dossiers, le visage s’est orné d’une barbe blanche soigneusement maîtrisée, mais la fibre du défenseur demeure vigoureuse et la connaissance des dossiers si approfondie, qu’il en surprend ses clients. Dominique Rondu, une silhouette élégante, qui a arpenté le pavé d’un pas déterminé et a mené sa mission de défenseur de la même façon : avec force et prestance.

Gilbert Mayer

C’est demain numéro 27 : cdemain.eu